Maligny
Histoire
La sédition de Maligny en 1789 La Révolution commença à Maligny par un événement qui, s'il ne fut pas sanglant, fut bien près de l'être. Il découla de l'état d'esprit d'une partie de la population la plus malheureuse et la plus nombreuse. Il faut se représenter la composition des diverses classes de la population à cette époque. Elle se composait : 1° des fonctionnaires, hommes de loi, commerçants ; 2° des paysans, formant deux catégories: les laboureurs, cultivant surtout les céréales, possédant pour cela bestiaux, voitures, charrues, écuries, granges, etc..., constiuant les notables ; puis les vignerons et les manouvriers, ne possédant au plus, que quelques ares de vigne, d'un rapport variable, suivant les années, mais toujours très faible, sans autre propriété qu'une ou deux chambres, avec petite cave, et quelquefois une écurie à âne, cultivant les vignes des gros propriétaires, constituant ainsi la classe la plus pauvre, la plus aigrie par les poursuites fiscales, et le spectacle des prodigalités seigneuriales. Ce sont ces malheureux qui se révoltèrent. Au premier cri de la liberté, ils crurent avoir le droit de briser les chaines du pouvoir féodal. En 1789, le bruit du soulèvement de la Capitale étant répandu dans les provinces, le dimanche 13 septembre, à la sortie de la messe, une soixantaine de boute-feux révolutionnaires, se rassemblèrent sous les Halles, et exposèrent leurs revendications au syndic. Guidés par les frères Nicolas et Simon Tremblay, suivis de nombreux assistants, ce fut près de cinq cents personnes qui descendirent au château, et l'envahirent à main armée. Ils maltraitèrent le régisseur Isaac-Michel Rabé et voulaient lui plonger une épée dans la poitrine. L 'un des principaux séditieux, Chevillot, saisissant le Régisseur à la gorge: " Tu sauras, lui dit-il, que je m'appelle Ravaillac ! ". En même temps, il lui asséna un coup de son sabre rouillé sur la poitrine et lui fit seulement une forte contusion. Ensuite, le repoussant avec violence, il lui arracha sa chemise qu'il mit en lambeaux. Ils exigèrent la remise de leurs dettes et différents titres seigneuriaux, plus une feuillette de vin qui fut bue sur place. Rabé dut trinquer avec eux. Avant la nuit, le but principal de la sédition était atteint, à savoir la 1iquidation des dettes envers le seigneur. C'est alors que les mutins excités par le vin et grisés par leur facile succés, commencèrent les excès et les vengeances personnelles qui suivent souvent les soulèvements populaires. Ils demeurèrent trois jours maîtres du château et de Maligny, occupés à boire et à piller. Ils s'emparèrent des archives du château et autres papiers qu'ils livrèrent aux flammes. Des troupes avinées parcoururent le pays toute la nuit, criant, envahissant les maisons des notables et des divers officiers de la seigneurie, brûlant les titres de dettes, se faisant servir a boire, etc... Pendant le jour, les révoltés prenaient chacun une corde à la main, allaient chez leurs créanciers, et secouant à leurs yeux la corde fatale, ils s'écriaient : " Rends-moi mon obligation, ou voici qui va te servir ! " (La corde était alors le supplice des grands criminels). Bien des dettes importantes furent ainsi acquittées. L'un d'entre eux en liquida pour 7000 Francs dans un seul jour, somme formidable à cette époque. Pendant la nuit, ils parcouraient les rues, ayant des chandelles allumées au bout de leurs fusils. Le mardi, jour de marché, ils taxèrent les grains et vérifièrent les boisseaux. |